L'occasion est belle pour honorer ton souvenir : tu vas désormais reprendre vie dans le c½ur de tous les amoureux des "Bêtes"(?!).... Nos jeunes vies sont inséparables, toi, petit chien blanc frisé de 1/2 ans, dans mes bras de fillette de 6/7ans... Qui tiens l'autre ? Vas savoir, je suis ton ombre, tu es mon ombre... on se dit tout, loin du monde des grands et même loin du bruit du canon, plus rapproché, plus nourri, là -bas à la frontière, poreuse à l'insurrection qui gagne les campagnes avant l'assaut des villes... Tu partages la dînette avec mes poupées, tu fais la sieste dans leur landau, dressant une oreille puis l'autre puis les 2 en signe d'assentiment, agrandissant tes beaux yeux noirs, tâchant de tout comprendre avec un petit jappement de plaisir... Tout comprendre ? jusqu'au jour où comprendre devient l'incompréhensible, jusqu'au jour où, échappant comme d'habitude à la réalité du monde des grandes personnes - plus énervées, plus impatientes encore qu'à l'accoutumée car elles courent dans tous les sens- mon père, soudain, m'ordonne de te poser à terre (c'est lui qui t'a appelé ainsi en te calant dans mes bras un jour heureux d'anniversaire), de monter très vite dans la voiture bourrée comme jamais de bagages... Je ne l'entends pas de cette oreille, ni de l'autre du reste, je ne l'entends pas jusqu'à ce que l'injonction appuyée de la fessée me propulsent dans la voiture sans Poker, mon petit chien, les 4 portes simultanément claquées et verrouillées sur nous... J'ai le temps de hurler, j'ai le temps d'entrevoir à travers la vitre, l'½il de velours noir plus rond que jamais, l'interrogation de plus en plus rapide qui passe de l'oreille droite à l'oreille gauche, l'aboiement tout doux, puis plaintif, puis de protestation, puis de t'apercevoir encore dans le cadre vitré arrière, t'élancer, courir, courir dans le nuage de poussière soulevé par une voiture partie en trombe, la nôtre. Fuir, courir, fuir, courir, jusqu'à ce que tu disparaisses Poker à tout jamais de ma vue brouillée... C'est seulement là que j'entends les feux de la guerre qui nous rattrapent et nous devanceront désormais partout, où que nous allions, quoi que nous fassions. Dans le chaos qui nous attend, les petits chiens n'ont pas de place. Seul, peut-être, le canari de Mémée, dans sa cage minuscule, pourra l'accompagner pour traverser la mer... En abandonnant Poker j'ai abandonné mon enfance pour rejoindre le monde des "grands" où je continue de militer pour la Paix... Je n'ai plus jamais eu de petit chien, le regard d'amour du mien me suffit. "Pardon Poker, mon petit chien, je t'aime" et avec moi, tous ceux qui désormais te connaissent. Annie PS. Ma chatte Zoé, Mon chat Hector savent notre histoire.